John Hume contre le reste du monde

26/08/2017

Je n’avais aucune envie d’écrire sur ce sujet polémique. L’actualité ne m’a, hélas, pas donné le choix. Le plus important propriétaire de rhinocéros d’Afrique du Sud a réussi a organiser une vente aux enchères de cornes de rhinocéros. Le sujet, complexe, nécessite de bien comprendre le problème.

Alors, avant de commencer, quelques informations pour appréhender la situation actuelle :

  • Les rhinocéros étaient 1 million à parcourir l’Afrique au XIXème siècle.
  • il n’en reste en 2017 qu’environ 25.000 (20.000 blancs et 5000 noirs).
  • L’Afrique du Sud abrite 80% de la population restante de rhinocéros d’Afrique.
  • En moyenne, 3 rhinocéros sont braconnés chaque jours en Afrique du Sud.
  • 25% des rhinocéros Sud Africains appartiennent à des propriétaires privés.
  • Une corne de rhinocéros pousse d’environ 3 centimètres par an.
  • le kilo de corne au marché noir se vend 60.000 dollars.
  • Le commerce international de cornes de rhinocéros a été interdit en 1977
  • Le commerce intérieur de corne en Afrique du Sud a été interdit en 2009.
  • Ces dix dernières années, 7.000 rhinocéros ont été braconnés.
  • Seulement 13 rhinocéros étaient braconnés en 2007 en Afrique du Sud
  • Ils furent 1175 à être braconnés en 2016
  • La corne de rhinocéros est faite de kératine comme les ongles humains.
  • En Chine et au Vietnam l’on considère la corne de rhinocéros comme un remède miracle.

braconnage rhinoceros
Un rhinocéros braconné dans le parc national Kruger
John Hume, 73 ans, est un millionnaire sud-africain ayant fait fortune dans la promotion immobilière. En 1992, il achète une ferme de 8.000 hectares, le « Buffalo Dream Ranch »  situé au Nord Ouest du pays.  Aujourd’hui, il possède dans son ranch environ 1500 rhinocéros, en grande majorité des rhinocéros blancs du Sud (Ceratotherium simum simum), qu’il décorne régulièrement après anesthésie. (Opération indolore pour le rhinocéros qui retourne brouter quelques minutes plus tard. Quant à la corne, elle repoussera de 3cm/an).

Il serait assis actuellement sur plus de 5 tonnes de cornes de rhinocéros.  John Hume possède près de 5% de la population mondiale de rhinocéros africains et 200 naissances ont eu lieu dans sa ferme cette année. Il se considère comme un bien meilleur protecteur des rhinocéros que les ONG pour la préservation de la faune. Il pense que le commerce légal de cornes est le seul moyen à même de réduire le braconnage.

John Hume rhinoceros.png
John Hume
Après une lutte juridique acharnée, il obtient le 26 novembre 2015 la levée du moratoire du commerce intérieur de corne de rhinocéros en Afrique du Sud. Puis, en Avril 2017, après une seconde bataille devant les tribunaux, il remporte le droit définitif de lancer une vente aux enchères.

Pour être honnête, je m’attendais à ce que le gouvernement Sud Africain interdise néanmoins la vente. Pari perdu.

La vente aux enchères via internet a eu lieu hier ICI. Les résultats ne sont pas connus. Il fallait débourser 6400 dollars pour pouvoir s’inscrire comme acquéreur. 264 cornes ont été mises vente pour un poids total de 500 kg. Étonnamment, le site internet de la vente est traduit en chinois et en vietnamien…Alors que la vente n’est autorisé qu’à l’intérieur de l’Afrique du Sud et qu’aucune corne n’est autorisée à sortir du pays…

Les écologistes, conservateurs, protecteurs de la nature, ONGs sont presque tous vent debout contre cette vente et contre John Hume. Les « pro commerce » et les « anti-commerce » s’invectivent par médias interposés et l’on perd de vu le sujet principal : la protection des rhinocéros.

Alors « pour » ou « contre » la vente légale de cornes de rhinocéros, regardons les arguments des deux camps. Moi, je ne me prononcerai pas.

ENCHERES CORNES RHINO

Les arguments de John Hume et des pro-commerce :

  • L’interdiction du commerce ne fonctionne pas.
  • En 1977, lors de l’interdiction du commerce international des cornes par la CITES, les rhinos étaient encore 60.000 en Afrique (aujourd’hui 25.000).
  • Avant l’interdiction du commerce intérieur de cornes en 2009 en Afrique du Sud, le braconnage de rhinocéros dans le pays n’existait presque pas.
  • La protection de la faune en Afrique est sous financée, elle est incapable de protéger les rhinos face aux mafias actuelles.
  • La protection des rhinos est devenue trop coûteuse pour les propriétaires privés.
  • Depuis l’interdiction du commerce les surfaces sauvages privées où vivent des rhinocéros ont diminuées en raison du coût de leur protection.
  • Pourquoi donner de l’argent aux mafieux qui tuent les rhinos plutôt qu’aux propriétaires qui les élèvent ?
  • Le décornage est indolore pour les rhinocéros et la corne repousse.
  • La vente légale de cornes permettrait de financer la protection des rhinocéros.
  • Tout a été essayé pour protéger les rhinos, sans succès, sauf le commerce légal.
  • Les ONG n’ont aucun intérêt à trouver une solution au braconnage qui est leur fond de commerce.
décornage sous sédatif
décornage sous sédatif dans la ferme de John Hume

Les arguments des l’ONGs et des anti-commerce : 

  • Les rhinocéros ne sont pas du bétail.
  • C’est le commerce (légal et illégal) qui a réduit le nombre de rhinocéros, pas son interdiction.
  • La vente légale ne résout en rien le problème de la demande de cornes.
  • Les cornes vendus hier iront, finalement, nourrir le marché Asiatique.
  • La demande est plus forte que la capacité de production de cornes des éleveurs.
  • Le commerce légal va développer encore plus la demande.
  • Légaliser c’est lever un tabou sur une espèce en danger d’extinction.
  • Même si un commerce légal fait baisser le prix, les braconniers poursuivront leurs macabres œuvres.
  • Le message de cette vente est catastrophique alors que la chine commence à comprendre son rôle dans le braconnage des éléphants.
  • Ce n’est pas John Hume, ni son argent qui protégeront les rhinocéros des parcs nationaux Africains.
  • Cette vente sape tout le travail des ONG pour réduire la demande de cornes
  • John Hume ne voit que son intérêt financier.

rhino

Pour finir et pour complexifier encore le choix, sachez que, certains propriétaires privés de rhinocéros sont contre l’ouverture du commerce de cornes… Et que certains conservateurs de la nature plaident au contraire pour l’ouverture du commerce sous certaines conditions (Save the Rhino Trust ou Ted Reilly par exemple)…

A vous de choisir votre camp entre ces deux visions antagonistes. Souhaitons juste le meilleur pour l’avenir des rhinocéros.

BUDPUMBA

photo en Une : BRENT STIRTON / NATIONAL GEOGRAPHIC

 

5 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Carl dit :

    Difficile question ! Sans tomber dans l’excès de l’élevage, on peut imaginer que la vente de corne soit un revenu complémentaire pour les réserves qui se battent pour faire vivre les populations de rhinocéros. Le tourisme à lui seul risque de ne pas suffire pour générer l’argent nécessaire. On peut en effet imaginer vendre des cornes légalement, tout en continuant à expliquer que c’est idiot d’en acheter ? Certes, c’est paradoxal, mais ça permet de gagner sur les deux tableaux et de générer des revenus, ce qui est un gage de pérennité du dispositif.

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    1. budpumba dit :

      Merci Carl pour ton commentaire. Dans un monde parfait je serais complètement d’accord avec toi. Mais qui pour gérer les quotas ? Qui pour contrôler ? Qui pour fixer les prix ? Qui pour éviter un commerce illégal parallèle ? La corruption est partout en Afrique et les sommes sont trop importantes… Enfin souhaitons nous voir des rhinocéros sans cornes ? Souhaitons nous traiter les derniers rhinocéros comme nos vaches ? Le problème est insoluble en Afrique. Les experts actuellement abandonnent la piste africaine pour stopper le braconnage et considèrent que la solution se trouve de l’autre côté de la planète, en Asie (Chine et Vietnam). Bref stopper la demande. En Afrique quel que soit la politique menée, elle ne protége pas les rhinocéros du braconnage. Tout a été essayé sans grand succès les 10 dernières années.

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