Safari : Boubandjida Cameroun. Part° 5

Nous poursuivons nos safaris à la recherche de la faune. Le parc compte 4 espèces de primates : le Patas (Erythrocebus patas), le Vervet tantale (Chlorocebus tantalus), le Babouin olive (Papio anubis), et le Colobe guereza (Colobus guereza occidentalis). Nous les observerons toutes durant nos safaris, mais je n’ai pas de photos correctes des Patas, la photo n’est donc pas de moi.

 

L’on observe aussi pas mal d’oiseaux. Pourtant contrairement au parc de Waza, plus au Nord, réputé pour sa grande avifaune, le parc de Boubandjida n’est pas situé la route migratoire. L’on y trouve néanmoins pas mal d’espèces différentes dont tous les « classiques » de la brousse.

 

Durant nos 4 jours de safari, nous observerons  de nombreux guêpiers et rolliers mais aussi  des vautours, des aigles, hérons, aigrettes, pics bœufs, calaos, martin pêcheurs, cigognes épiscopales, choucadors, pics vert, francolins, jabirus, outardes, bucorves, marabouts, huppes fasciées…. Pas si mal pour un parc qui n’est pas réputé pour cela.

 

Surtout nous observerons énormément « d’oiseaux de la brousse », nom donné par les pisteurs à chacune de nos interrogations sur l’identification d’un volatile.

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Un « oiseau de la brousse » (zozio broussae...)

Lors de nos safaris nous continuons à observer de nombreuses antilopes de toutes sortes. Mais voila bientôt deux jours que nous circulons dans le parc et toujours pas d’élands de Derby. Pourtant ils sont là, d’autres touristes ont eu la chance d’observer un beau troupeau sur la piste principale menant au lodge. J’enrage.

Un autre souci, nous n’avons pas croisé de lions ni d’éléphants pour le moment. Si les pisteurs nous rassure quant aux lions, il en est tout autre pour les éléphants. Ils sont très pessimistes. Ils nous explique tristement qu’avant le massacre de 2012, les éléphants étaient absolument partout, à tel point que les visiteurs ne s’arrêtaient même plus. Mais à présent les observations sont TRES TRES rares. En fait, moins d’une dizaine de contacts ont été enregistrés depuis l’ouverture du campement trois mois plus tôt. Les éléphants sont tous morts ou ont fui loin de Boubandjida. Les rares survivants se cachent, sont très craintifs, voir agressifs. Nos chances de les croiser sont minces, mais nous continuons à y croire.

Les retraités, François et Maurice (deux Alsaciens comme nous), avec qui nous partageons le 4X4, décident eux de faire l’impasse sur le safari de l’après-midi, pour partir à la pêche à l’étang de Babassara situé au Sud du parc. (La pêche sportive est tolérée dans le parc). Ils ne pêcheront qu’une heure… car ils rapporteront précipitamment un binga  (poisson tigre goliath / Hydrocynus goliath) de 3 kg et un énorme Capitaine (perche du Nil / Lates niloticus) de 26 kg !!!.

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Paul et Maï nous servirons le poisson le soir même en brochettes. Délicieux. Je décide de digérer tranquillement ce bon repas en écoutant la brousse au coin du feu avec pour seule compagnie une bouteille de pastis. Je reste ainsi jusqu’à tard dans la nuit, je suis royalement bien.

 

Soudain vers 1 heure du matin des bruits de branches qui se cassent, encore et encore, des pas dans l’eau, un barrissement puis plusieurs, c’est proche, malgré ma torche je ne vois rien…demain c’est sûr nous verrons des éléphants.

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Chaque année, depuis près deux décennies, au plus fort de la saison sèche, le parc de Boubandjida et ses environs connaissaient des actes isolés de braconnages envers les éléphants orchestrés par des braconniers soudanais. Chaque année le nombre de pachydermes tués augmentait, sans aucune réaction de la part de l’état camerounais. Même la mort de deux gardes forestiers en 2010, restât sans conséquences.

Mais en janvier 2012, c’est plus d’une cinquantaine de cavaliers soudanais lourdement armés, à dos de chevaux et dromadaires qui entre dans le parc de Boubandjida. Ils viennent de la RCA et du Tchad ou ils ont déjà laissé des dizaines de cadavres d’éléphants derrières eux. ILs sont encore à la recherche d’ivoire. Et cette année là, ils ne se limiteront pas à quelques individus.

Pendant presque 2 mois, ils massacreront méthodiquement tous les éléphants rencontrés dans le parc ainsi que dans les zones cynégétiques avoisinantes. Ils massacrent des groupes entier comme les individus isolés. De nombreux éléphanteaux sont retrouvés morts; leurs défenses prélevées bien que ne pesant pas plus que quelques centaines de grammes.

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PHOTO IFAW

Les braconniers n’hésitent pas à se montrer au grand jour, à s’approcher des campements de chasse et du lodge, à s’approvisionner dans les villages et à inviter la population à récupérer la viande des animaux abattus. La population locale, sans cautionner le massacre, trouve la, un moyen de régler le problème de la destruction des cultures par les pachydermes.

Il faudra attendre la fin mars pour qu’émerge enfin une prise de conscience nationale et internationale de l’horreur en cours (grâce aux appels à l’aide de Paul Bour, Stephanie Vergniault et IFAW). Elle poussera finalement le gouvernement camerounais à envoyer ses troupes d’élites, le BIR, pour stopper le massacre.

La suite c’est le chef du BIR et Paul qui nous la raconte un soir durant le dîner :

Les troupes du BIR s’attendaient à faire fuir les braconniers dès leur arrivée. Mais se sont de véritables accrochages guerriers qui auront lieu. Les BIR ne sont pas des tendres, se sont des forces spéciales entraînées et équipées par les israéliens. En face, les braconniers sont aguerris en brousse, très bien armés (kalachnikov, bazooka, grenade) et n’ont hélas pas peur de l’affrontement. Ils envoient même des enfants combattre arme à la main. Il faudra plusieurs jours de recherches, d’accrochages, de combats et des morts des deux cotés pour que le parc retrouve enfin son calme.

Dans les premiers jours d’avril, c’est l’heure du bilan, plus de 300 carcasses d’éléphants sont retrouvées dans le parc et les zones attenantes, des éléphants blessés, des éléphanteaux agonisant, une odeur pestilentielle recouvre Boubandjida. L’HORREUR. C’est 80% à 90% de la population d’éléphants de la zone qui a disparu.

Paul considère que seule une cinquantaine de pachydermes demeure à plein temps dans le parc…. Des actes isolés de braconnage sont encore perpétrés, cette fois par des locaux ayant appris de cette expérience à chasser l’éléphant. Deux carcasses ont été trouvées dans une zone de chasse voisine du parc quelques jours avant notre arrivée….

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Quant aux braconniers, après avoir tué 90% des éléphants de Zakouma (de 2000 à 2010) puis 80% des éléphant de Boubandjida (2012), ils ne leur restaient l’année suivante (2013) que le parc de Dzangha sangha en RDC à piller. Ils braconneront là aussi au moins 30 éléphants. Leur retour au Soudan, par contre fut plus périlleux. Ils trouvèrent face à eux l’excellente armée Tchadienne d’Idriss Deby, ils furent en grande partie éliminés.

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2ans plus tard, en 2014, à notre arrivée, il ne reste que peu de traces du massacre, mais elles sont néanmoins plus nombreuses que les crottes d’éléphants fraîches. C’est pourquoi ce matin là, après la nuit bruyante passée, c’est l’agitation dans le campement… Paul nous prête son 4X4 pour traverser le Mayo Liddi et partir à la recherche des éléphants. C’est la 1ère fois que nous traversons le mayo direction l’Est et  la frontière Tchadienne.

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Traces d’éléphant

Le parc est superbe aussi de ce côté et après quelques km, un petit troupeau de 8 éléphants dont deux nouveaux nés sont face à nous.  J’ai très souvent eu l’occasion de voir des éléphants, à Waza, au Kruger, a Masai Mara, au Tarangire ect…. mais là c’est différents, même si ils sont loin et peu nombreux, tout le monde est bouleversé, heureux et triste à la fois. Tout le monde se tait, seuls les clics des appareils photos brisent le silence.  Les pisteurs ont les larmes aux yeux, nous resterons à les observer pendant 30 minutes avant de les voir disparaître dans la brousse. désolé pour la qualité des photos mais nous ne nous sommes pas rapprochés de trop.

 

Ce moment d’émotion laisse place à l’euphorie dans le 4X4 tout le monde rigole et fête la rencontre. Nous roulons vers le camp pour montrer les photos à Paul qui recense les derniers troupeaux. Nous traversons les Mayos à toute berzingue quand soudain sans prévenir un GROS LION MÂLE face à nous.  A peine le temps de sortir le matos et de prendre une photo qu’il disparaît dans les herbes. Fred est comme un dingue c’est son 1er lion, et il était à la « porte de ma fenêtre !! » après les éléphants ça fait beaucoup d’émotion ! Un Picon Bière est nécessaire pour fêter tout ça !

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Quelques mots sur les lions : le nombre de lions adultes dans le parc est d’environ 30/40 individus adultes selon Paul et leur nombre est en constante augmentation depuis 2006, il en est de même pour les hyènes et les léopards, ces derniers étant même nombreux. Environ 200 lions peuplent encore le nord et l’extrême nord du Cameroun.La population totale de lions en Afrique de l’ouest et centrale ne dépasse pas 500 individus.

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Photo Paul Bour

Les lions de l’ouest ont une crinière plus légère et moins sombre qu’à l’Est et au Sud du continent mais franchement difficile de confondre ce gaillard avec une femelle. Selon les dires d’un des chasseurs très conscient de la situation des lions, c’est la chasse sportive et le braconnage sur une population si petite qui empêche les lions de dépasser les 7 ans et de développer une crinière honorable.

Il nous reste une journée pour trouver les Elands de Derby… La suite et la fin semaine prochaine.

6 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Jey, le barbu dit :

    Tu devrais faire des compte-rendus plus souvent ! J’étais pris dans le récit…

    Quelle tristesse cette situation avec les éléphants, je comprends complètement vos réactions d’euphorie devant le spectacle.

    Il y a quand même une belle diversité ornithologique malgré le nombre important d’oiseaux de la brousse ! 🙂

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    1. budpumba dit :

      Merci Jey, venant d’un pro du carnet comme toi ce compliment fait très plaisir. J’espère en offrir d’autres à l’avenir. A+

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      1. Jey, le barbu dit :

        J’espère aussi ! Surtout que tu dois avoir un paquet de choses à raconter !

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  2. La question que tout le monde se pose: qu’est-il arrivé à la bouteille de Pastis? Parce que bon, c’est bien sympa les animaux, mais c’est que ça donne soif ces aventures.

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  3. Et la bouteille de Pastis, elle a été vidée ?

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    1. budpumba dit :

      Évidemment, tu me connais, je lache pas l’affaire

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