03/01/17
Le passage à la nouvelle année a été pour moi l’occasion de faire un rapide bilan de mon blog. L’actualité de la faune africaine m’a donné l’opportunité de parler d’un bon nombre de parcs nationaux et d’une belle quantité d’espèces remarquables peuplant le continent Africain.
Mais à ma grande déception, je n’ai presque pas parlé de mon animal préféré, le léopard (Panthera pardus). Je vais donc réparer cette carence, en vous présentant l’état de conservation du léopard sur le continent africain. Pour cela, je me suis basé sur l’excellente étude de Andrew Paul Jacobson parue dans la revue scientifique Peerj en mai 2016, ainsi que sur les données de UICN et les informations fournies par des ONGs comme AWF (African Wildlife Foundation) ou la WCS (Wildlife Conservation Society).
Le léopard (Panthera pardus), pour ceux qui ne le savent pas, est une espèce de grand félin au pelage fauve tacheté de rosettes noires, à ne pas confondre avec le guépard (Acinonyx jubatus) qui est plus petit et élancé. On a tendance à l’appeler « panthère » en Europe. C’est un animal extraordinaire par sa capacité à s’adapter à presque tous les environnements. Son habitat s’étend ainsi de l’Afrique du Sud jusqu’au Nord Est de la Chine en passant par l’ensemble du continent Indien et une partie de l’Océanie. Il s’épanouit dans presque tous les types d’habitats, en plaine comme en altitude, dans le désert comme en forêt, et même en ville à proximité immédiate des hommes (l’on en observe jusque dans la banlieue de Johannesburg) . En Afrique, le léopard a une place importante dans certaines cultures (Nigeria,Liberia, Cameroun, Congo, Afrique du Sud…) où l’animal est considéré comme le roi des animaux (ex : société secrète Aniota dite des hommes-Léopards ou encore les traditions Shembe du peuple Zoulou).Sa peau est l’attribut des chefs tribaux et des rois.
Malgré les difficultés que l’on peut rencontrer à le débusquer, c’est sans conteste l’animal sauvage Africain le plus agréable à photographier. Son regard puissant et son habitude de se hisser avec ses proies dans les arbres donnent l’occasion d’obtenir de magnifiques clichés. Il est, après le lion, le plus grand fauve d’Afrique et fait partie du « Big Five », la liste des animaux les plus difficiles à chasser sur le continent, aux côtés du buffle, de l’éléphant, du lion, et du rhinocéros. Jusqu’à 27 sous-espèces de léopards ont été décrites par les naturalistes depuis 1794. Aujourd’hui l’UICN n’en reconnaît que 9, dont une seule en Afrique (P. p. pardus).

- Bagheera, la panthère noire du « Livre de la Jungle » de Rudyard Kipling est un léopard atteint de mélanisme, une anomalie génétique, rendant son pelage noir. Des léopards noirs sont régulièrement observés en Asie où ils peuvent représenter près de 50% de la population. (en particulier sur l’île de Java et dans les forêts de Thaïlande). En Afrique les leopards atteints de melanisme sont extrêmement rares. Les observations récentes se comptent sur les doigts d’une main. Elles ont été faites dans le parc national des montagnes de Balé en Éthiopie, en Ouganda dans la région de Muhavura, dans le parc national des Aberdares au Kenya et dans la région de Sabi en Afrique du Sud. Il existe aussi quelques léopards dit « Roses » (rares cas d’erythrisme), moins d’une dizaine en Afrique du Sud, j’en avais parlé ICI.
Les experts ont longtemps considéré le léopard comme étant relativement abondant en Afrique. Sa vie solitaire et nocturne, son caractère discret et sa présence sur presque tout le continent, ne favorisa pas son étude. Il a ainsi été classé dans la catégorie « Quasi menacée » par l’UICN, une catégorie fourre-tout, pour les espèces ne risquant pas de disparaître.
Alors, tout va bien pour le léopard en Afrique ?….. pas vraiment. Aujourd’hui encore, nul ne sait combien de léopards vivent en Afrique. Mais depuis les années 2000, des études tentent de percer ce mystère et cherchent à savoir comment évoluent les populations de léopards. Les résultats de ces études sont dramatiques.
Le léopard, malgré sa capacité d’adaptation et sa résilience a connu une perte d’habitat énorme. Autrefois demeurant dans 47 pays africains, il n’est aujourd’hui plus présent que dans 38, souvent en très faible nombre. Son territoire qui s’étendait avant la colonisation sur plus de 20.000.000 km² s’est réduit d’au moins 48%.
Cette baisse est particulièrement importante en Afrique du Nord et de l’Ouest ou les populations de léopards se limitent à quelques toutes petites zones fragmentées. (Sud-Est du Sénégal, Nord de la Cote d’Ivoire, parc transfrontalier W…). En Algérie, Égypte, Maroc, Tunisie, les léopards ont probablement totalement disparu. En Afrique de l’Est et Australe, la situation est un peu meilleure avec une perte de territoire de seulement 28%. Aujourd’hui ne subsiste que 3 grands espaces viables pour ce fauve : l’un en Afrique Australe (Zambie, Botswana, Namibie, Afrique du Sud et Zimbabwe), le second dans les forêts d’Afrique Centrale (RDC, RCA, Congo) et le dernier en Afrique de l’Est (Tanzanie, Kenya). Seul 17% de l’habitat du léopard est protégé sur le continent.
Reste à savoir quelle est la densité de léopards sur ses territoires… Problème, leur nombre est très variable passant de 0,1 à plus de 30 au 100 km² rendant toute estimation fiable impossible. Les experts de l’UICN n’ont finalement évalué que la baisse de la population au cours des 25 dernières années, uniquement en Afrique sub-saharienne, en la calculant en fonction du nombre de proies disponibles et en fonction de la densité humaine. La baisse a été estimée à 30%. Le nombre de léopards en Afrique reste un mystère.

Les raisons de cette réduction de population sont multiples. La perte et la fragmentation de leur habitat, les conflits avec les éleveurs de bétails, la perte de proies, le commerce local de leur peau, et enfin ,dans certains pays, la chasse sportive. Je ne m’attarderai pas sur les premières causes de cette diminution, celles-ci étant les mêmes que pour de nombreuses autres espèces animales, je les ai donc déjà traité dans d’autres articles.
Reste, le cas particulier de la chasse sportive. Le léopard d’Afrique est inscrit à l’Annexe I de la CITES, ce qui interdit son commerce, mais elle n’interdit pas la chasse sportive ni l’importation de trophées.
Entre 2005-2014, au moins 10191 léopards ont été vendus comme trophées de chasse. Les USA sont les premiers importateurs de trophée de léopards. L’on peut citer parmi les chasseurs célèbres, les fils du nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump Jr. et Eric Trump… Une pétition a été lancée par Jane Goudall et Dereck Joubert pour classer le léopard africain comme « Vulnérable » sur la liste de l’UICN afin de stopper l’importation de trophée de léopard au USA. Depuis 2016, le département des affaires environnementale d’Afrique du Sud (DEA) n’a accordé aucun quota pour la chasse aux léopards. (actualisation : le quota 0 a été prolongé pour 2017 ICI)

Le léopard a un régime alimentaire large et une capacité d’adaptation unique. Ainsi, à la condition que l’on lui laisse quelques proies, que la politique gouvernementale sur la chasse lui soit favorable, et que les populations locales le tolère, il peut facilement se rétablir et s’épanouir dans cette Afrique en pleine mutation. Si vous souhaitez en voir, l’une des plus forte densité de léopard connue est localisée dans la région Sud du Kruger, entre Timbavati et Sabi Sand, en Afrique du Sud.
FIN
Photo en Une : One Eye Leopard by Holger W Grauel