22/06/2017
J’ai déjà eu l’occasion de parler du parc national de Zinave au Mozambique dans mon article sur le vaste écosystème transfrontalier du Great Limpopo que je vous invite à lire (ICI).
Le parc national de Zinave au Mozambique dont il sera question, est un vaste parc de savanes et de forets sèches d’une surface approchant les 4000 km², situé au Sud du pays, dans la région de Inhambane . Ancienne réserve de chasse, Zinave a été classé parc national en 1973 pour protéger la faune abondante vivant sur la rive Sud de la rivière Savé. La terrible guerre civile qui ravagea le pays entre 1980 et 1992 entraîna la disparition de la majeure partie des animaux sauvages.
Il faudra attendre le 22 septembre 2015 et la signature d’ un accord de cogestion d’une durée de 10 ans entre les services de gestion des espaces protégés Mozambicains (ANAC) et la Fondation Peace Parks, pour voir briller une lueur d’espoir pour Zinave.
Depuis sa prise de gestion, la fondation Peace Parks tente de redonner sa gloire d’antan au parc. Cette fondation est une ONG créée en 1997 par la WWF d’Afrique du Sud présidée par le milliardaire Anton Rûpert, avec le concours du prince Bernhard des Pays-Bas et le président Nelson Mandela. Elle a pour but la protection de grands espaces sauvages transfrontaliers.
L’objectif de cette fondation pour le parc national de Zinave est d’en refaire une pleine composante de l’écosystème du Geat Limpopo et de rouvrir les routes migratoires des animaux sauvages entre les différentes réserves. Pour réhabiliter ce parc vide de faune, un vaste projet de réintroduction est lancé dès 2015.
La réintroduction d’animaux sauvages a ainsi débuté l’année dernière par une petite opération ayant permis l’arrivée de 317 animaux. (7 éléphants en provenance de la réserve de Maremani en Afrique du Sud ainsi que 200 Cobes à Croissant, 50 Cobes des roseaux, et 60 phacochères en provenance du parc national de Gorongosa au Mozambique).
Mais lundi 19 juin 2017 à débuté une seconde phase, l’un des plus grands transferts de faune jamais entrepris en Afrique. Durant les deux prochains mois, près de 2000 animaux sauvages vont être déplacés jusqu’au parc national de Zinave depuis la réserve privée de Savé Valley Conservancy au Zimbabwe.
Le transfert concerne des animaux de 8 espèces différentes : 50 éléphants, 200 zèbres, 100 girafes, 900 impalas, 200 buffles, 200 élands, 300 gnous et 50 koudous.
Et l’opération se poursuivra chaque été jusqu’en 2020, pour atteindre un total de 7500 bêtes réintroduites. (6000 en provenance de la Savé Valley Conservancy et 1500 en provenance de parcs nationaux du Mozambique, principalement Gorongosa).
Les 6000 animaux sauvages en provenance de la réserve privée de Savé Valley Conservancy au Zimbabwe ont été gracieusement offerts par l’homme d’affaires et philanthrope allemand Wilfried Pabst, propriétaire de la partie centrale de cette réserve. Sa section, appelée Sango connait un excédant d’animaux sauvages, prouvant, une fois de plus, la réussite en terme de conservation du modèle de la Savé Valley Conservancy. (voir plus bas).
Le déplacement d’autant d’animaux sauvages sur plus de 600 kilomètres impliquera les services d’environ 120 rangers, de vétérinaires, de pilotes d’hélicoptères et de chauffeurs de camions. Le coût total du seul transport a été estimé à au moins 2,5 millions de dollars, une montant restant à la charge de la Fondation Peace Parks.
La fondation espère à terme établir dans une partie du parc, une zone suffisamment dense en faune sauvage pour attirer les investisseurs touristiques.
Le Mozambique est sur le fil du rasoir. Ce pays d’une richesse naturelle immense (plages de rêve, parcs nationaux magnifiques comme Niassa, Gorongosa, Limpopo…) peut voir sa faune et sa flore disparaître sous les coups des braconniers en quelques années, comme ce fût le cas dans les années 90. Ou, si le pays s’engage enfin à protéger sa faune, devenir une des destinations phares du tourisme en Afrique. Les quelques années qui viennent seront déterminantes.
L’info en plus : Histoire et modèle de conservation de la Savé Valley Concervancy :
La réserve de Savé Valley Conservancy au Zimbabwe qui fournira en faune le parc de Zinave est peu connue du grand public. Cela est dû à son modèle particulier. La réserve se situe au Sud Est du pays, non loin du parc national de Gonarezhou.
Crée en 1991, la réserve de Savé Valley est composée aujourd’hui de 15 propriétés privées contiguës pour une surface totale de 3400 km² en faisant le plus grand espace privée de conservation de la faune d’Afrique.
Pourtant à l’origine ce n’était pas gagné. En 1920 cette vaste région sauvage devient une ferme d’élevage de bétails nommé Devuli Ranch. La faune sauvage y est décimée et remplacée par des bovins, l’écosystème y est peu à peu détruit. Au fil des décennies, la situation politique, la guerre, les maladies bovines, et la terrible sécheresse des années 91-92 auront finalement raison de cette activité d’élevage. Le Ranch Devuli est divisé en 15 propriétés ayant pour objectif la conservation de la faune. Les clôtures intérieures sont supprimées, les animaux sauvages sont réintroduits, des équipes anti-braconnage sont créées, des infrastructures érigées et des pistes construites.
- Le financement de ce succès résulte en très grande partie de la chasse, ce qui a le don d’énerver nombre d’ONG et de protecteurs de la nature. La chasse au trophée fait depuis le début partie intégrante de la méthode de financement de la conservation des espèces dans la Savé Valley.
- Le second point est encore plus complexe à aborder : Les 15 propriétés privées formant la Savé Valley appartiennent toutes à des propriétaires blancs. Dans l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, dirigé depuis 1987 par le dictateur Robert Mugabé, cette situation est juste explosive…
Sur ces deux points, la Savé Valley Conservancy tente d’avancer dans le bon sens. La réglementation toujours plus lourde de la chasse sportive à l’international et sa mauvaise presse actuelle poussent les propriétaires à développer le tourisme de vision. Pour éviter les conflits avec les populations riveraines et tenter de réduire le risque d’accaparement de leurs propriétés par la clique de malfrats de Mugabé, les propriétaires fonciers s’investissent à présent dans l’amélioration des conditions de vie des populations ( création d’écoles, d’emplois locaux…) et les impliquent dans la conservation de la faune.
La Savé valley Conservancy est un bijou très fragile, une étincelle et tout peut disparaître.
BUD PUMBA
S’INFORMER :
- Le Sango Lodge de Wilfried Pabst dans la Savé Valley a ouvert ses portes au tourisme de vision pour la première fois en 2003, l’on y chasse aussi.
- Savé Valley Conservancy
- Peace Parks Foundation
- Great Limpopo Transfrontiere Park
- News 24
- Réserve de Maremani
Ce projet est porteur d’espoir. Ce sera intéressant de le suivre ne serait-ce que pour voir comment la faune s’adapte au déplacement et à la réintroduction.
Ce serait vraiment parfait s’il n’était pas financé par la chasse…
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La faune s’adaptera n’ai pas d’inquiétude, l’Afrique Australe, (surtout l’Afrique du Sud) à l’habitude de ce genre d’opération. La végétation est riche et relativement similaire dans les deux parcs tout deux situés le long de la rivière Savé. il n’y à plus de félins dans Zinave (hélas) donc peu de danger pour les animaux déplacés. Ils seront tout d’abord relâchés dans un boma (enclos) pour une période d’adaptation avant d’être libérés dans une partie du parc de 150km² clôturée. Le seul risque c’est le braconnage qui est endémique dans la région. Si tout se passe bien, Zinave peut devenir rapidement un succès touristique, car il sera le parc le plus proche de la plage de rêve de Vilankulo et de l’archipel de Bazaruto, étape incontournable d’un voyage au Mozambique. Pour ce qui est de la chasse : c’est un gros coup de pub pour eux…depuis la meutre de Cecil le lion, ils cherchent par tous les moyens à se refaire une image. De toute façon, le Mozambique et le parc de Zinave, ne sont pas en position de faire la fine bouche. Un cadeau de plusieurs millions de dollars ne se refuse pas. Tant mieux pour la faune et tant pis pour les principes dans ce cas.
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