14/03/17
Une étude très intéressante menée par des scientifiques de l’Université de Cardiff (Royaume-Uni) portant sur l’érosion génétique des populations de rhinocéros noirs (Diceros bicornis) a été publiée le 8 février 2017 sur Nature.com -Scientific Report.
Plus de 800 000 rhinocéros noirs parcouraient l’Afrique a la fin du XIXème siècle. Mais la période coloniale avec son lot de bouleversements ( chasse, développement agricole) réduisit la population à 70 000 individus dans les années 60′. L’explosion du braconnage à partir des années 70′ accentua la chute de l’effectif pour atteindre son plus bas niveau en 1995 avec 2400 individus. Aujourd’hui, la population de rhinocéros noirs est un peu remontée grâce à d’importants programmes de protection, elle est estimée à environ 5500 individus à travers tout le continent.

Seulement 5 pays possèdent encore des populations indigènes : L’Afrique du Sud (environ 2300 individus), la Namibie (environ 2100 individus), le Kenya (environ 600 individus), le Zimbabwe (environ 500) et la Tanzanie (environ 100). Les populations de rhinocéros noirs ont été éradiquées du Nigeria, de Zambie, du Cameroun, du Tchad, de la république Centrafricaine, de l’Érythrée, de l’Éthiopie, de Somalie, de l’ Angola, du Mozambique…,etc.

l’étude génétique menée par l’université de Cardiff montre que les rhinocéros noirs ont subi en plus d’une réduction de leur nombre, un effondrement terrible de leur diversité génétique.
En étudiant les gènes des populations vivant à l’état sauvage et ceux des spécimens anciens conservés dans les musées, les chercheurs en ont déduit que l’espèce avait perdu 69% de sa diversité génétique au cours des 200 dernières années. Sur les 64 lignées génétiques de rhinocéros noirs décrites, 44 n’existent plus. Quant aux 20 lignées encore existantes, elles connaissent une érosion de leur diversité génétique les rendant plus vulnérables aux maladies et à la consanguinité.
Cette étude a permis d’identifier les populations prioritaires et donne des conseils quant à la sauvegarde de celles-ci. Elle suggère en particulier de développer les programmes d’élevage (comme à Lewa, Ol Pejeta, ou Mkomazi), les transferts réguliers d’individus sauvages, et la réintroduction à l’état sauvage d’individus en captivité. L’objectif est de permettre le meilleur brassage génétique possible, tout en protégeant les patrimoines génétiques encore existants.
Enfin l’étude s’attache à compléter, voir à modifier, la classification et l’aire de répartition des différentes sous-espèces de rhinocéros noirs. L’espèce est actuellement divisée en 4 sous-espèces reconnues par l’UICN. C’est la classification Du Toit datant de 1987.
Les quatre sous – espèces sont :
- le rhinocéros noir de l’Est (D. b. Michaeli) ne vivant plus qu’au Kenya, ils sont environ 600 aujourd’hui.
- le rhinocéros noir du Centre-Sud (D. b. Minor) vivant du Sud de la Tanzanie au Nord-Est de l’Afrique du Sud environ 2900 individus principalement en Afrique du Sud et au Zimbabwe.
- le rhinocéros noir du Sud-Ouest (D. b. bicornis) principalement en Namibie, ils sont environ 2200 individus.
- et enfin le rhinocéros noir de l’ouest (D. b. Longipes) déclaré éteint en 2011
Je vais m’attarder sur ce dernier. Au XIXème siècle le rhinocéros noir de l’ouest vivait encore sur un territoire immense s’étendant du Burkina Faso jusqu’au Soudan avec des populations particulièrement importantes au nord-est du Cameroun, au Sud du Tchad et au Nord de la République Centrafricaine (RCA).

Les premiers explorateurs racontent que leur nombre était si important à la frontière entre le Tchad et la RCA que la région en était dangereuse !!. La chasse et les massacres pratiqués entre 1920 et 1935, puis le braconnage à partir des années 50′ ont rapidement réduit la population de rhinocéros à un tout petit nombre. En 1970, il ne reste déjà plus que 650 rhinocéros au Cameroun. Les derniers individus au Tchad et en RCA sont abattus en 1986. En 1990, il ne reste que 50 individus, tous au Cameroun. Malgré les appels au secours des ONG, aucune initiative n’est lancée pour les sauver. En 2001, ils ne sont plus que 5.

La dernière observation d’un rhinocéros noir de l’Ouest a eu lieu en 2005 dans une zone de chasse près du parc de Boubandjida. C’était une femelle du nom de Sopa qui hélas fut braconnée quelques mois plus tard.
En 2006 l’association écologiste Symbiose, lance une mission dirigée par les vétérinaires Isabelle et Jean-François Lagrot, et le gérant du lodge de Boubandjida, Paul Bour pour tenter de trouver quelques rhinocéros encore vivants au cœur de la brousse camerounaise. Ils trouvèrent des traces fraîches, mais impossible d’observer un animal. Après six mois de recherche et d’incompréhension, ils se rendirent compte que les traces découvertes étaient des fausses réalisées par les pisteurs camerounais inquiets de perdre leur travail….la conclusion est sans appel : Il n’y a plus un seul rhinocéros noir de l’Ouest en Afrique. La sous-espèce est déclarée officiellement éteinte en 2011.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais les chercheurs de l’Université de Cardiff en étudiant les gènes des rhinocéros longipes issues des collections des musées ont fait une découverte étonnante. L’air de répartition du rhinocéros de l’Ouest ne s’arrêtait pas au Soudan mais s’étendait jusqu’à l’Ouest du Kenya. Ainsi, aujourd’hui encore, une petite poignée d’individus du parc de Masai Mara porte les gènes du rhinocéros de l’Ouest.
L’histoire des derniers rhinocéros noirs de l’ouest est le cruel symbole d’un pathétique échec de la préservation de la faune. Espérons que le travail de protection des derniers rhinocéros noirs mené actuellement devienne , à l’avenir, un exemple à suivre pour les nombreuses autres espèces en danger d’extinction.
Pour avoir la chance d’observer un rhinocéros noir les lieux les plus appropriés sont la région de Laikipia au Kenya, le parc d’Etosha en Namibie et le cratère de Ngorongoro en Tanzanie.
FIN
Plus d’infos : Extinctions, genetic erosion and conservation options for the black rhinoceros (Diceros bicornis)
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